Lettre à mon amie Arryanaze

Bien l’ bonjour ma bonne dame!

Aujourd’hui 29 décembre, j’en profite pour souhaiter un très bon anniversaire à ton petit Léandre. Cette journée a aussi été pour moi des moins ordinaires. Je la partage avec toi .

Ce matin, je commence ma journée de bonne heure, je vise le sommet du Piltiquitron, une magnifique vue à 360 degrés m’attend. Il fait gris et pleut un peu, k-way enfilé me voilà parée .

Tout commence bien, la première voiture qui passe me prend en stop ( quand je lui dis que je suis française le gars s arrête sur le bas côté et me montre une vidéo des gilets jaunes, il lance avec un bel accent argentin  » On ne lâche rien  » je ne m’y attendais vraiment pas )

Je marche un kilomètre pour rejoindre un autre point stratégique. Je croise les doigts pour que l’on me prenne car les dix kilomètres de côte sur un chemin de cailloux et sous la pluie ne me disent rien. Un jeune qui rentre du boulot m’ouvre sa portière, il m’avance de 3 km, c’est toujours ça de pris! Je marche encore un kilomètre, aucun passage de voiture, et puis grosse chance, des jeunes argentins s’arrêtent. On vise la même randonnée. Danse de la joie intérieure. A mon accent, ils devinent tout de suite que je suis française, le passager se retourne grand sourire aux lèvres, étoiles pleins les yeux et me pose tout un tas de questions sur Paris. Parfois j’aimerai découvrir ce que ça fait de me promener à Paris avec les yeux d’un étranger, ressentir ce même émerveillement.

On commence à marcher mais mes jambes me font mal et je n’arrive pas à avancer, très vite ils me distancent. Il pleut de plus en plus, le brouillard s’épaissit et j’ai vraiment froid. Je pense faire demi-tour… mais en même temps je ne me vois pas refaire le chemin inverse .

J’opte pour m’arrêter en chemin au premier refuge croisé. J’avance et la pluie se transforme en neige ! Le paysage est magnifique. Je suis gelée, j’ai mal partout mais je suis trop heureuse ! C’est fou l’émotion que me procure la chute de quelques flocons. Une excitation d’enfant qui remonte en moi et me submerge à chaque fois.

J’ai l’impression d’être comme Tintin au Tibet perdu dans son blizzard (oui bon je te l’accorde je suis au milieu de la civilisation sur un chemin balisé sans carcasse d’avion à l’horizon, mais quand même) .

Enfin le refuge apparaît, le décor me rappelle celui de nos contes d’enfant, j’ai l’impression qu’en m’approchant de ce chalet de bois je vais tomber sur Mère-Grand. À travers les flocons je devine une épaisse fumée sortir de la cheminée, seul signe qui laisse supposer qu’il y a de la vie à l’intérieur.

J’y entre timidement, j’y retrouve les argentins qui m’ont pris en stop plus tôt. On partage maté et biscuits secs auprès du poêle en attendant patiemment que la neige arrête de tomber. J’adore ce moment improbable ( la veille je subissais la chaleur écrasante à me rafraîchir en enchaînant les glaces ).

Je découvre la vie en refuge, on est 7-8, tout le monde est calme, tranquille, lit, joue aux échecs et attend que ça passe . Je prends un comics.. au moins je bosse mon espagnol et j’apprends à jouer au Truco ( jeu de cartes très populaire ici ) enfin j’essaye, je n’ai rien compris aux règles mais l’échange est sympa.

13h grand ciel bleu sur la vallée enneigée, chacun peut reprendre son chemin. On me propose de monter au sommet, je décide de ne pas aller plus haut et de rentrer . Je commence à pied car personne ne passe, au final je ne ferai pas de stop, j’ai envie de prendre mon temps au milieu de ce paysage à profiter encore un peu de ce que je viens de vivre .

14:10 ce temps est improbable! Je suis sur un banc à me réchauffer au soleil, il y a deux heures à peine je réfléchissais où je pourrais me procurer bonnet et écharpe!

15:12 je marche depuis une heure et me voilà avec la chanson des éléphants du livre de la jungle en boucle en tête. J’entends Léandre la chanter avec moi à tue-tête.

15:20 je viens de croiser un sportif qui m’a coupé les pattes, le gars fait tout en courant .. en montant!

15:24 je commence à avoir des hallucinations auditives, j’entends des voitures en approche.. rien à part des chiens errants éclopés.

16:15 j’ai si faim. J’ai cru voir des empañadas représentées sur un panneau de signalisation.. non ce sont des dos d âne annoncés .

16:45 yeahhh j’ai fait mes trois derniers kilomètres en stop. Sauvée!

Je retrouve Sergio, mon hôte, en plein ménage de printemps , je pensais faire une petite sieste avant notre soirée…échec je l’aide à faire le ménage .

On part à notre soirée harpe … et là je réalise que je n’ai rien compris à ce qu’il m’avait expliqué (il va falloir que je lise autre chose que des BDs pour progresser en espagnol) …en effet il est bien question d’une harpe mais c’est dans un contexte méditatif ! Sans chaussure, nous sommes assis sur le sol, un petit coussin sous les fesses dans une pièce parfumée à l’encens.

Je prends un peu peur au début lorsque la fille nous dit que l’on va invoquer les esprits de la musique, au final je me laisse porter par la relaxation, c’est très agréable , elle chante et sa voix me fait frissonner tout le corps . Belle expérience musicale .

22h on est détendus . Aucune envie de me retrouver dans un bar au milieu du brouhaha . Sergio ne l’envisage pas non plus et nous emmène dans un Resto/Bar repère de hippies. Un groupe y joue du folklore argentin. Les gens dansent c’est assez beau à écouter et à voir, c’est une danse sans contact entre les partenaires , dans la provocation , j’adore . Cela me fait penser aux échanges entre un taureau et un matador.

On repart avec carottes et navets sous le bras, cadeau de la maison. Très belle soirée qui clôt un bien beau séjour à El Bolson . Demain, je repars pour traverser la frontière et rejoindre le Chili.

Je t’embrasse et une bise particulière à Léandre qui a pris 3 ans et moi de belles courbatures et de jolis souvenirs.